Vole, Vole Laurène.
Tu es partie doucement, pas à pas, en gardant jusqu’au bout ton sourire que tu donnais autour de toi comme un cadeau.
Maintenant tu es libre, guérie comme tu le disais à propos de ton grand-père qui t’a devancé il y a un peu moins de deux ans.
Libre comme la petite fille que tu as été avant le cancer, vive, joyeuse, toujours en mouvement, sûre d’elle et déjà très organisée. Ta maman disait toujours que
c’était toi qui structurais la famille dans le temps et dans l’espace. On se souviendra de ton baptême à Sainte-Honorine en Normandie, on gardera l’image des heures de jeux avec tes copains et
copines, avec ton frère et tes cousins.
A six ans, le cancer fait une première entrée dans ta vie. Tu supportes tout sans te plaindre, tu impressionnes par la capacité que tu as d’expliquer ta maladie
avec beaucoup de pédagogie.
Et puis tu as repris ta vie, tu as continué à grandir en nous surprenant par ta sagesse et ta maturité. L’école, les
copines, le poney, Raton et les peluches, le dessin et les fleurs, tes parents et ton frère, ta famille, Ravenne, là où habitent tes grands-parents, ton ancrage, ta colonie de vacances, comme tu
aimais à le dire. Les vacances avec le groupe des dix, tes grands-parents, oncle et tante et cousins qui t’ont donné des très beaux souvenirs. Ta première communion que tu as faite ici-même en
2007.
Mais le cancer n’en avait pas fini avec toi. Il est revenu quand tu as eu 12 ans et demi et ne t’a plus vraiment
lâchée que pour revenir un peu plus tard. Au fil des années et malgré tous tes efforts, il t’a privée du lycée, de ta vie d’ado, de tes projets, t’as ramenée encore et toujours à l’hôpital, il a
grignoté tes forces.
Mais toujours tu as su t’adapter, positiver, rester dans la vie et dans la joie. Tu as su trouver le moyen d’exprimer ce que tu ressentais, par l’écriture (tu
avais écrit un abécédaire de ta maladie), par le découpage et le collage mêlant mots et images et aussi par l’humour et le recul que tu as toujours su garder. Tu as su développer toujours plus
ton intériorité, pratiqué le yoga et la visualisation, cultivé ta relation à la nature, aux arbres et aux fleurs. Avec l’Association « Rebondir au-delà de ses rêves »
qui réalise les rêves des enfants malades, tu t’es créé une famille de cœur qui a beaucoup compté pour toi.
C’est pendant cette période également que la prière est vraiment entrée dans ta vie. Des prières que t’avait données
Sœur Monique, que tu avais rencontrée à la rue du Bac. Tu disais que c’était la prière qui t’avais aidée à supporter les incertitudes médicales et
aussi les longues nuits sans sommeil en unité stérile quand tu avais 13 ans. Ces prières ont été ton appui tout au long de ces années.
Avec ces prières, tu nous as fait découvrir et partager ce lâcher prise, que toi, la première tu as été capable de mettre en pratique :
Vis le jour d’aujourd’hui,
Dieu te le donne
Il est à toi, vis-le en Lui.
Le jour de demain est à Dieu,
Il ne t’appartient pas.
Ne porte pas sur demain
Le souci d’aujourd’hui.
Demain est à Dieu :
Remets-le Lui.
Le moment présent
Est une frêle passerelle :
Si tu le charges des regrets d’hier,
De l’inquiétude de demain,
La passerelle cède
Et tu perds pieds.
Le passé, Dieu le pardonne,
L’avenir, Dieu le donne,
Vis le jour d’aujourd’hui
En communion avec Lui.
Tu as trouvé des réponses à tes questions
Cette nuit, je t’interroge, Seigneur.
Pourquoi ma maladie ?
Pourquoi ma
souffrance ?
Pourquoi mes heures de découragement et de détresse ?
Pourquoi est-ce à moi que tout arrive ?
Pourquoi moi plutôt qu’un autre ?
Je connais ta réponse :
« Regarde mon Fils.
Fixe ton regard sur sa croix.
Je n’ai jamais cessé de l’aimer, mon Fils.
Toi aussi, je t’aime.
Mon Fils m’a dit : « Entre tes mains,
Je remets mon esprit ! »
Fais de même. »
Tu as su te laisser porter par Jésus dans les moments difficiles :
A la fin de sa vie, un homme regarda en arrière et vit que, tout au long du chemin,
il y avait quatre empreintes de pas sur le sable, les siennes et celles de Dieu.
Mais dans les moments difficiles, il n’y en avait plus que deux !
Très surpris et même peiné, il dit à Dieu :
- Je vois que c’est justement dans les moments difficiles que tu m’as laissé seul…
- Mais non ! lui répondit Dieu, dans les moments difficiles, il y avait
seulement les traces de mes pas à moi, parce qu’alors je te portais dans mes bras.
Dans l’épicerie du Ciel, tu as puisé Force et Courage. Tu prenais le plus souvent possible un peu de « Bonjour
Mes Frères et mes sœurs », des gestes de soutien et de relation aux autres, qui te procuraient une vraie plénitude, comme ce jour où tu es rentrée rayonnante du lycée parce que tu avais accompagné une personne aveugle sur le chemin dans le métro. Tenir la porte de l’immeuble, échanger un sourire ou un regard avec un
passant te remplissait de joie.
Ces dernières semaines, tu disais avoir la certitude d’avoir été créée pour l’amour et que Dieu t’aimait. Tu es partie maintenant dans un monde où l’amour n’a
plus de limites et où t’accueillent ta grand-mère Marie-Louise et ton grand-père Jean-Pierre. Tu aimais citer Sainte Thérèse disant "je veux passer mon ciel à faire du bien sur la terre". Soyons sûrs que tu le fais
déjà.
Au-delà de notre immense tristesse, et en plus de tout l’amour que nous avons pour toi, nous nous sentons fiers et honorés d’avoir croisé et partagé ton chemin.
Puissions-nous toujours nous souvenir de cet amour qui t’habitait et l’accueillir dans nos vies.